Parlo l’affanno mio, parlo’l dolore

Les Grands Maîtres Italiens de la fin de 
la Renaissance

À travers ce programme, Ut Musica Poesis souhaite mettre en avant la polyphonie remarquable de quatre grands compositeurs de la fin de la Renaissance : Luca Marenzio, Claudio Monteverdi, Carlo Gesualdo et Adriano Banchieri

Note d’intention :
A travers les œuvres de quatre grands maîtres italiens, nous vous invitions à découvrir ce qui fait la particularité de l’art italien du madrigal polyphonique, qui s’est frayé un passage dans une production d’abord dominée, en Italie, par des compositeurs « étrangers » (flamands et français), dans un sentiment d’infériorité, presque d’illégitimité, avant de développer un ensemble d’outils expressifs et artistiques qui furent non seulement copiés ailleurs (en France et en Grande-Bretagne), mais qui ont débouché sur la naissance d’une autre nouvelle forme d’art !

Présentation : 
L’école italienne du madrigal aurait pu ne pas voir le jour : son émergence n’était pas prévue par les créateurs du genre, qui étaient des compositeurs flamands, venus occuper les postes de maîtres de chapelles des principales églises de la papauté. Depuis la seconde partie du XVème siècle, la musique est en effet dominée par la technique des compositeurs issus de l’école de Guillaume Dufay, qui est invité à l’inauguration de la cathédrale de Florence, en mars 1436, à faire entendre le motet « Nuper rosarum flores », en dédicace à Santa Maria del Fiore. La domination des Flamands dans la maîtrise du contrepoint ne se dément plus, avec Ockeghem, Josquin, Willaert, Gombert, Manchicourt, Buus, Clemens non Papa, Rore, Lassus, de Monte…
Les compositeurs associés à la Chapelle du Roy de France leur opposent une vaillante résistance, avec les étonnants développements contrapuntiques d’Antoine Brumel (Missa Et ecce terrae motus), les œuvres de Jean Mouton, qui ouvrent la porte, d’une part, aux formes spécifiques du motet à la française, avec Antoine Févin, Claudin de Sermisy, Mathieu Gascogne, et Claude Goudimel, mais aussi à des formes profanes spécifiques, qui se déclinent sous les espèces de la chanson parisienne (avec Claudin de Sermisy, Clément Janequin, Certon, Sandrin, Passereau) et de la chanson lyonnaise (Phinot, Coste, Lupi, Beaulaigue). Face au développement de modèles polyphoniques destinés à développer les entrelacs d’imitations de plus en plus complexes, pratiqués aussi bien dans la chanson franco-flamande que dans le motet, par les grands compositeurs flamands, les caractéristiques des œuvres parisiennes et lyonnaises tendent à alléger le dispositif des imitations et du contrepoint, dans le motet (et les messes polyphoniques), pour créer un tissu plus lisible, d’où les thèmes ressortent de manière plus lumineuse, soulignant les motifs du plain-chant originel, et, dans les chansons, proposent des modèles de cadres formels thématiques, avec itérations, qui proposent des jeux de superpositions avec les structures poétiques des textes, tout en développant un dialogue entre les voix de ténor et de superius, qui permet fréquemment d’entendre des échos entre les deux, et aboutissent à la prédominance du superius, qui devient la voix principale à la fin du siècle.
Les formes contrapuntiques extrêmement complexes développées par Ockeghem, Josquin, Gombert et Lassus étaient pratiquement impossibles à assimiler par la plupart de leurs rivaux. Pour les Italiens, elles constituaient un véritable casse-tête, plus encore que pour les sujets du Roy de France. Il suffit de lire la correspondance de musiciens comme Luca Marenzio, ou Claudio Monteverdi. Non seulement les italiens peinaient à maîtriser ces outils exigeants et intellectuels, mais, dans le fond, ils ne les aimaient guère. Palestrina avait en fait assimilé à un degré supérieur… les techniques contrapuntiques de la musique religieuse de la Cour du Roy de France, et peut être déclaré héritier de Jean Mouton et d’Antoine Févin, bien plus que de son rival Orlande de Lassus !
Aussi bien, les Flamands engagés dans les chapelles italiennes en tant que maîtres absolus de la musique religieuse, trouvèrent dans la poésie italienne un formidable terrain d’expérimentation. Ce qui se présentait, sur le plan poétique, comme un poème amoureux court, libre, sans véritable contrainte formelle, et qu’on appelait « madrigal », donna son nom aux compositions qu’ils commencèrent de publier sur des textes de Pétrarque, en appliquant exactement les outils qu’ils appliquaient avec succès à la musique religieuse et aux poèmes français. Les madrigaux de Cipriano de Rore et d’Orlando di Lasso n’ont que très peu de différences techniques avec le reste de leur répertoire : tout au plus peut-on déceler un effort pour épouser le rythme de la langue, et souligner l’expressivité des élans et émotions. S’il y a bien naissance des affetti avec les compositeurs flamands, il ne s’agit à l’origine de guère plus que d’un ensemble d’épices, destinées à enrichir la complexe trame contrapuntique tissée sur ces textes, déjà anciens pour la plupart.
Du point de vue des compositeurs flamands, les Italiens sont réputés tout juste bons à composer des frottole : ce sont les formes populaires qui circulent dans la Péninsule, et dont certaines paraissent à Venise, puis à Florence, musiques homorythmiques, dépourvues de contrepoint, aux harmonies simples… l’équivalent, pour les grands maîtres, des chansons de variété de notre temps ! Ces derniers s’en emparent même, et jouent avec. Josquin et Compère mettent en musique « Scaramella » ou « El grillo », et Orlando di Lasso pousse l’exercice à son paroxysme, avec les Moresche, dans lesquelles il imite les chants des premiers hommes de couleurs montrés en Europe, à l’étonnement et à l’amusement des nobles. A ce stade, au milieu du XVIe siècle, il y a peu d’espoir, pour les compositeurs italiens, de réussir à faire émerger une véritable école propre, tant la domination des Alemani est écrasante. C’est même un compositeur né en Flandres, Giacches de Wert, qui développe des expérimentations d’une très grande finesse, qui font exploser les formes cultivées habituellement par ses compatriotes. Il faut également compter avec l’influence de deux compositeurs héritiers des cultures flamande et française, Arcadelt et Verdelot, qui introduisent dans les publications italiennes des modèles structurels hérités de la chanson française : Palestrina leur est directement redevable, pour ses propres publications de madrigaux. 
La chanson parisienne et lyonnaise, avec ses structures itératives, et la clarté de son écriture (qui fait ressortir le texte de manière bien plus intelligible que les complexes entrelacs du contrepoint flamand) est peut-être formellement prédisposée à proposer une « peinture » des textes, en disposant un cadre sonore identifiable, et presque visualisable. Les Italiens retiennent ce procédé, et les points de contact entre les mises en musique qu’ils proposent et la peinture sont nombreux. C’est même un des traits dominants de l’œuvre de Gesualdo, qui met en avant le sens de la vue.
Présent dès la première publication portant le titre de Madrigali, en 1530, à Rome (Dorico), l’Italien Costanzo Festa est un des pionniers de ce genre qui est alors la chasse gardée des « étrangers ». Il y propose du reste des compositions d’un style simple, mettant essentiellement en valeur des lignes mélodiques pures et identifiables, et les textes. Il est malaisé de distinguer techniquement la facture de ses pièces de celle de Philippe Verdelot, auquel le même recueil fait la part belle. La production de Festa affectionne les formes « modestes » à 3 voix, proches de la villanelle et de la frottole : on retrouve ce souci de simplicité, lorsque le tissu polyphonique s’enrichit (4, 5, 6 voix). A bien des égards, la production madrigalesque de Festa permet de comprendre celle de Palestrina dans le même répertoire. Héritier de Festa, en tant que musicien des papes, Palestrina a sans doute projeté dans une perspective analogue sa création madrigalesque, qui tourne volontairement le dos aux subtilités contrapuntiques de son rival flamand Orlando di Lasso.
Il faut garder à l’esprit que pendant la période de l’éveil de la production musicale italienne en matière de madrigaux, plusieurs publications de compositeurs flamands connaissent de véritables succès éditoriaux, et auprès du public cultivé. Ainsi, les madrigaux de Lassus sont réédités à plusieurs reprises, et adaptés dans des paraphrases instrumentales : son ultime publication, les Lagrime di San Pietro, est saluée comme un chef d’œuvre. Adrian Willaert connaît également de solides succès, tandis que Giacches de Wert semble se fondre dans le paysage péninsulaire. Philippe de Monte révèle le caractère lyrique de la poésie de Giovanni Battista Guarini, auquel il consacre un recueil entier. Et Cipriano de Rore, maître spirituel de Lassus, connaît au-delà de sa mort (1565) un tel succès, que les éditeurs réimpriment ses œuvres, pour garantir leurs ventes ! Le cycle des Vergine, les madrigaux chromatiques, les pièces plus sereines, sur des poèmes de Pétrarque, ont été abondamment reprises, adaptées, copiées. C’est probablement parce qu’il est l’un de ceux qui explorent le plus l’illustration musicale des émotions par des moyens expérimentaux, ce qu’on désigne peu à peu du mot d’affetti : à ce titre, Marenzio et Monteverdi comptent parmi ses principaux héritiers.
Après la génération de Palestrina, Ingenieri, Porta, Croce, Anerio, c’est en effet le jeune compositeur originaire de la région de Brescia, qui est remarqué, et… écarté de Rome, à l’initiative du musicien des papes, afin qu’il ne lui fasse pas d’ombre ! Cette mise à l’écart (qui conduit le compositeur jusqu’à Prague et à Varsovie) continue d’occulter aujourd’hui encore, auprès du grand public, les extraordinaires qualités de sa musique, qui annonce celle de Monteverdi. Marenzio propose à la fois une synthèse extrêmement habile de l’histoire des formes musicales italiennes (frottole, villanelle, canzonetta, dont il publie plusieurs volumes, à 3 voix, qui évoquent les Canzonette et Scherzi musicali a 3 de son dauphin), qu’il semble utiliser comme un laboratoire d’expérimentations, pour ajuster l’efficacité de sa prosodie, et déployer des figures de contrepoint associées à l’expressivité, voire à l’humour, avec une puissance suggestive qui se retrouve dans les madrigaux plus sérieux. Ceux-ci, de 4 à 6 voix (incluant des madrigaux spirituels, de tonalité grave) occupent pas moins de… 19 volumes !!! La variété de style et de moyens techniques déployée par le compositeur est stupéfiante, et n’a d’égale que le souffle extraordinaire qui parcourt ses pièces, et une profonde unité identitaire. En effet, si Marenzio se montre à l’occasion capable d’emprunter à la Prima prattica des Flamands (« Dolci son le catene »), il propose également des formes discontinues (s’apparentant presque à des collages), visant à illustrer les différents aspects successifs des textes (« Vezzosi augelli »), allant jusqu’à tordre la logique modale, pour être au plus près des tensions (« Cosi nel mio parlar vogl’io esser aspro »), ou à pratiquer une logique chromatique qui va plus loin encore que les proposition de Rore (« Solo e pensoso », « Cruda, acerba, inesorabil Morte »). 
Certaines de ces pages annoncent celui qu’on peut à juste considérer comme son héritier direct, le compositeur crémonais Claudio Monteverdi. Elève d’Ingenieri, le jeune musicien est influencé par Rore, de Wert et Marenzio. Ses premières publications, à 3 et 4 voix, proposent des Canzonette profanes, des pièces sacrées en trio, et des madrigaux spirituels. Il y montre un souci de conjuguer la technique contrapuntique aux racines de la musique vocale italienne, sous les formes de la frottole, de la villanelle et de la canzonetta. Dès ses deux premiers livres de madrigaux à 5 voix (1587, 1590), il montre une attention aiguë aux outils expressifs proposés par de Wert et Marenzio. Il est alors engagé à la Cour de Mantoue, comme violiste : il y rencontre de Wert, Luzzaschi et Salomone Rossi. Après avoir illustré la poésie du Tasse, il aborde celles de l’Ariosti et de Guarini :  le 3ème Livre de madrigaux (1592) présente des pages d’une expressivité déjà théâtrale. C’est après la création de l’Euridice de Peri, en 1600, qu’il fait paraître ses 4ème et 5ème Livres, qui marquent une évolution vers le stile nuovo qui caractérise la Seconda Prattica, et décline un nouveau catalogue d’affetti, de manières de traiter et d’illustrer le texte, qui relèguent le contrepoint au second plan. Les ports de voix, les exclamations, les soupirs, les chromatismes, les passages en récitatifs (soit confiés à une voix, qui surnage de la polyphonie, soit toutes les voix en homophonie) créent un style plus théâtral encore, qui devient plus explicite dans la seconde partie du 5ème Livre, avec l’utilisation de la basse continue, qui accompagne un ou plusieurs voix solistes. Peu de temps après, Monteverdi révolutionne le monde naissant de l’opéra, avec l’Orfeo, qui projette le genre dans une dimension encore insoupçonnée de ses créateurs : à chacune de ses créations lyriques suivantes, Monteverdi expérimente de nouveaux outils, de nouvelles possibilités, de nouvelles solutions. Le genre sera, avec lui, en perpétuel renouvellement.
Le 6ème Livre de madrigaux, publié en 1614, est aussi le dernier où paraissent des pièces polyphoniques, telles que la Sextine, ou la version à 5 voix du Lamento d’Arianna : le tour de force est impressionnant, de voir la texture polyphonique se hisser à l’intensité passionnelle du récitatif du personnage éponyme de l’opéra ! Les 7ème et 8ème Livres (1619, 1638) développent une forme nouvelle, dite « concertata », où les voix ne chantent en polyphonie qu’accompagnées d’instruments obligés, dans ce qui se présente davantage comme des cantates, ou de brèves scène théâtrales, tandis que les autres pièces sont des miniatures théâtrales, le plus souvent accompagnées de la basse continue (font exception quelques trios vocaux), déclinant un stupéfiant catalogue de possibilités… qui bien souvent trouvent un écho dans la musique religieuse du maître (Vêpres de 1610, Selva morale e spirituale, Missae e Psalmi). Le maître crémonais vit plus vieux que son devancier Marenzio : cela contribue à établir sa renommée, qui finit par englober et éclipser celle de son aîné. Avec Monteverdi, le madrigal est passé de la peinture des émotions à leur dimension théâtrale, presque scénique. Et pourtant… ce n’est pas là tout ce que l’Italie produit, en termes de surprises !
Les classes nobles recevaient au Moyen-Âge et à la Renaissance une éducation telle que bien des grands personnages pouvaient laisser des pièces musicales, ou des poèmes de très belle qualité. Avec Guillaume d’Aquitaine, Raimbaud d’Orange, Alfonso II de Castille, Hildegarde de Bingen, Marie de France, puis Charles d’Orléans, l’Histoire nous a habitués à ces artistes de la haute noblesse. Lorenzo da Medici laisse un Canzoniere d’un niveau plus que respectable, et l’on a pu attribuer à François Ier quelques poèmes, dont le célèbre Doulce mémoire. Henry VIII d’Angleterre aurait non seulement laissé lui aussi quelques poèmes, mais également signé plusieurs musiques. Beaucoup de hauts personnages avaient une pratique artistique, du moins pour la poésie et la musique, et les chroniques les montrent jouant ou déclamant en public. Il n’est donc nullement surprenant que le Prince de Venosa, Carlo Gesualdo, se soit lui aussi adonné à la musique. Plus surprenante est l’insistance qu’il mit à publier lui-même systématiquement ses compositions, en 6 livres de madrigaux à 5 voix, sans oublier sa musique religieuse. Influencé par Luzzaschi et Pomponio Nenna, deux musiciens réputés pour leurs audaces et expérimentations chromatiques non-conventionnelles, il provoque des réactions qui vont de l’étonnement, au reproche d’amateurisme. Les circonstances biographiques ont alimenté l’aura environnant le personnage (qui a même inspiré un opéra), occultant quelque peu sa musique, jusqu’à sa renaissance, au XXème siècle : à ce moment, beaucoup de musiciens se sont étonnés d’y découvrir des annonces prophétiques des sonorités modernes. L’analyse et la pratique des madrigaux de Gesualdo suggèrent qu’il devait probablement les concevoir dans une première version dans laquelle il s’accompagnait lui-même au luth (il était admiré pour la virtuosité avec laquelle il en jouait). Les règles de base de la musique de son temps sont fréquemment ignorées, la logique étant plus « à l’oreille », suivant les émotions, avec des lignes mélodiques d’une très belle vocalité. Il est significatif que le sens le plus fréquemment évoqué dans les poèmes qu’il a choisi d’illustrer est la vue : c’est clairement du côté de la peinture maniériste italienne (voire aussi du Greco), qu’il faut chercher des correspondances esthétiques avec l’art du Prince, dans les couleurs altérées, les perspectives déformées, les silhouettes allongées, les expressions des visages hagardes ou effrayées…
C’est avec une ultime surprise de la créativité musicale italienne que nous bouclons cet étonnant voyage. Bien que moine, Adriano Banchieri (d’une manière qui n’est pas sans faire penser, plus tard, à un certain Vivaldi), depuis un premier poste d’organiste, à Bologne, gravit les échelons de son administration, pour occuper une place lui permettant de s’adonner constamment à la composition, dans tous les genres. Avec Orazio Vecchi, il est le promoteur de la Comédie madrigalesque, une étonnante évolution musicale, conjuguant les découvertes et créations de l’Academia dei Bardi (qui aboutissent à la création de l’opéra Euridice à Florence, en 1600) avec l’héritage du madrigal polyphonique, dans les livres de Marenzio et de Monteverdi. On a voulu y voir un échec : on peut pourtant savourer l’humour truculent de ces ensembles théâtraux, dans lesquels les voix de la polyphonie arborent, soit tour à tour, soit ensemble, soit en groupes séparés, des rôles, à la manière des acteurs de la Commedia dell’Arte. On peut aussi y savourer l’extraordinaire caricature que le compositeur propose des autres genres musicaux, allant du grand madrigal dans le style de Marenzio, aux scènes d’opéra, en passant par le chant liturgique hébraïque, ou de simples sérénades amoureuses ! La Barca di Venezia per Padova (1605, soit peu de temps avant l’Orfeo de Monteverdi) déploie un stupéfiant catalogue d’aventures et d’accidents vocaux et musicaux, sur fond d’une intrigue qui n’est pas sans préfigurer celle du Voyage à Reims de Rossini. 
– Quoique Marenzio (1553-1599) ait aussi écrit des motets et des madrigaux spirituels (sur des textes religieux), la plus grosse part de son œuvre consiste en ses une quinzaine de publications de musique profane, notamment ses madrigaux. Durant les deux décennies de sa carrière de compositeur, leur modèle, leur technique et leur tonalité évoluent de façon significative. Marenzio est considéré comme l’un des compositeurs de madrigaux les plus renommés du XVIe siècle, surnommé par ses contemporains comme il più dolce cigno (« le cygne le plus doux »). 
– les œuvres de Claudio Monteverdi (1567-1643) sont essentiellement vocales, se situant à la charnière de la Renaissance et du Baroque. Il a produit des pièces appartenant aussi bien au style ancien qu’au nouveau et a apporté d’importantes innovations à la pratique de son époque. Il est considéré comme l’un des créateurs de l’opéra. Il est également le dernier grand représentant de l’école italienne du madrigal, genre auquel il a consacré neuf Livres, ainsi que l’auteur d’une abondante œuvre de musique religieuse, polyphonique (messes, vêpres, motets…), aussi bien que pour voix solistes et basse continue. 
– Dans l’histoire musicale la place que tient Carlo Gesualdo (1566-1613) est très particulière, de par son rang, de par son style et de par sa personnalité, tous indissociablement liés.
Car si l’on doit à Gesualdo ces fulgurances, ces audaces et cet affranchissement des règles en vigueur dans la composition contrapuntique de l’époque, c’est sans doute le résultat de la conjugaison de tous ces éléments. En tant que Prince de Venosa et Comte de Conza, Gesualdo n’a de compte à rendre qu’à lui-même, indépendant de tout employeur ou mécène pouvant lui imposer ses commandes et le borner dans ses ambitions artistiques. Cette position, rarissime à l’époqu,e pour les musiciens de cour, ainsi que sa personnalité tourmentée, son histoire dramatique et monstrueuse, et sa fin aux confins de la folie et du mysticisme, achèvent de donner à l’œuvre de Gesualdo une place hors du commun dans le paysage musical de l’époque.
Paradoxalement, c’est aussi cette position et cette suspicion de folie qui feront que Gesualdo, en tant que musicien, ne sera pas, pendant longtemps, évalué à la lueur de ses seuls mérites, mais sera toujours suspecté, soit d’amateurisme, soit d’écriture délirante sans maîtrise réelle de son art, et suscitera souvent l’amusement et l’incompréhension. La pratique de son œuvre, depuis que le Deller Consort l’a remise à l’honneur, a permis de réévaluer un compositeur dont l’univers sonore anticipe des sonorités plus proches du XXème siècle, mais révèle aussi une écriture très vocale. Il est possible que Gesualdo ait déployé sous formes polyphoniques des improvisations qu’il aurait d’abord faites en s’accompagnant lui-même au luth : il était en effet réputé pour être un virtuose de l’instrument.
Adriano Banchieri (1568-1634) est un compositeur, théoricien de la musique et organiste italien. Moine olivétain, lié à Monteverdi, Frescobaldi et Vecchi, il fréquentait aussi beaucoup d’autres musiciens de son époque. Il était particulièrement brillant et a été le premier à chiffrer la basse continue sur les partitions, à utiliser les nuances forte ou piano, et aussi à utiliser la barre de mesure dans son acception moderne. Il a laissé derrière lui une masse impressionnante de travail : treize compositions dramatiques, de la musique vocale sacrée, des messes et motets. Musique profane (madrigaux et canzonette). Musique instrumentale (Canzoni alla francese a 4 voci per sonar), musique pour orgue, ainsi que de nombreux ouvrages théoriques.